Histoires de stades et de tribunaux

Justice

Procès Merah, acte II, les zones d’ombre

(D.R. Alex Sarkissian)

16 mois après avoir été condamné à 20 ans de réclusion criminelle, Abdelkader Merah va retrouver le Palais de justice de Paris à partir du lundi 25 mars. C’est à l’île de la Cité que se tiendra le procès en appel d’un des  frères aînés de l’assassin de Toulouse et Montauban, et de Fettah Malki, accusé d’avoir fourni les armes. Ce dernier avait écopé de 14 ans de réclusion criminelle.

Abdelkader Merah affirme que lorsque son frère vole le scooter qui servira à la commission des attentats, il ne savait pas dans quel but précisément ce dernier agissait, en tout les cas pas dans celui de se rendre coupable d’actes terroristes. La motivation rendue par la justice affirme qu’Abdelkader Merah a assisté son frère en  le conduisant en voiture sur le lieu du délit, le 6 mars 2012. Il l’aurait ensuite aider à dissimuler le véhicule dans une résidence à Aucamville, ce que conteste la défense affirmant qu’il s’agit du « troisième homme » (Dupond-Moretti jubile). Enfin, il lui achètera un blouson de motard en cuir. Faux, rétorqua un des avocats lors du premier procès tenu entre octobre et novembre 2017. Il n’aurait fait qu’avancer l’argent.

Abdelkader Merah n’a jamais donné le nom de la troisième personne qui se trouvait ce 6 mars lors du vol du T-Max à Toulouse, ne lâchant que l’identité d’une personne après le décès de celle-ci, en août 2014, empêchant naturellement une audition qui aurait pu confirmer ou pas la version des faits livrée par Abdelkader Merah. Avec 12 chefs d’inculpation prononcés à son encontre, d’Abdelkader Merah risque la réclusion à perpétuité.

Lors du premier procès à l’automne 2017, il a été acquitté de la « complicité d’assassinats à caractère terroriste et de complicité de tentative d’assassinats à caractère terroriste », l’accusation n’étant pas parvenue à prouver par exemple le supposé rôle de commanditaire qu’aurait pu avoir A. Merah auprès de son frère. Il n’existe pas non plus d’éléments probants, tant dans l’information judiciaire qu’au cours des débats en première instance, pour caractériser la complicité d’assassinats, comme « don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir » (1)

Les parties civiles et l’avocat général, entre autres, estiment que les échanges observés entre Abdelkader et Mohamed Merah dans la période concomitante aux attentats devaient être de nature à démontrer une éventuelle complicité. Du moins, ce que laissait entendre le ministère public, A. Merah était au courant des projets meurtriers de son frère. Mais il n’existe, à ce jour, aucun élément, comme des écoutes ou des témoignages, révélant la teneur des propos. (Complicité, telle est la question). Certains témoins ont affirmé avoir vu les frères Merah discuter le 11 mars à l’occasion d’un match de football. Abdelkader a nié cette version ou déclaré qu’il ne s’en souvenait pas. Là aussi, impossible pour les enquêteurs d’obtenir la moindre trace d’une conversation corroborant la thèse avancée par l’accusation.

TGI de Paris, le 31 octobre 2017. Latifa Ibn Ziaten, mère de la première victime, à la sortie de la plaidoirie de la défense d’A. Merah. (Crédit: Alexandre Sarkissian).

On ne sait pas non plus qui a consulté, via les identifiants de connexion de la mère des frères Merah, le 4 mars 2012, à 23 h 08 et 23 h 11, l’annonce déposée sur le site du « Bon coin » par Imad Ibn Ziaten. La première victime des tueries de Toulouse et Montauban voulait vendre sa moto et avait obtenu un rendez-vous à 16 heures, ce 11 mars 2012, le jour où il fut assassiné. (Qui se cache derrière les connexions du 4 mars ?)

Ce procès Merah/Malki acte II, présidé par la magistrate Xavière Simeoni, doit durer jusqu’au 19 avril. Il comprend 20 jours d’audience, 38 témoins et 9 experts cités. Ces nouvelles auditions permettront-elles d’en savoir plus ? Les coups de théâtre ne sont pas très fréquents dans ce cas. Début de réponse la semaine prochaine.

1 : Article 121-7 du code pénal : « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »

Leave a Reply