Histoires de stades et de tribunaux

Justice

Procès Merah: La défense jubile

TGI de Paris, le 31 octobre 2017. Latifa Ibn Ziaten, mère de la première victime, à la sortie de la plaidoirie de la défense d'A. Merah. (Crédit: Alexandre Sarkissian).

En manque de preuves accablantes contre Abdelkader Merah, l’accusation a été chahutée lors de la plaidoirie d’Eric Dupond-Moretti et ses collègues. Ces derniers ont demandé l’acquittement pour leur client.

« Il a été époustouflant. » La modestie n’étouffe pas Eric Dupond-Moretti au moment de noter son jeune collègue. Comme il en a pris l’habitude depuis le début des audiences il y a un mois, EDM va au contact des journalistes. L’avocat d’Abdelkader Merah couvre d’éloges, et ce n’est que le début, Archibald Celeyron à l’issue de son intervention, premier volet d’une plaidoirie en trois actes jouée devant une salle comble en ce 22e jour du procès des tueries de Toulouse et Montauban. A la première suspension d’audience en cette après-midi du 31 octobre, EDM n’a donc pu s’empêcher de distiller sa bonne parole au premier rang des bancs réservés à a presse en faisant enfler les chevilles de son collaborateur de 31 ans. Les familles et proches des victimes, assises à quelques mètres de la scène, ont dû encore maîtriser leurs émotions.

Dupond-Moretti en a un peu rajouté mais les deux heures de l’intervention de Me Celeyron ont fragilisé sensiblement les arguments avancés par l’accusation, apparus quelque peu décousus, lors du réquisitoire de l’avocate générale. «Abdelkader Merah encourt la perpétuité pour un scooter qu’il n’a jamais touché. Il n’a pas participé à la dissimulation du scooter après le vol. C’est le 3e homme qui a aidé Mohammed à cacher le scooter», affirme Celeyron. Pareil pour le blouson acheté quelques heures plus tard. A. Merah n’a fait qu’avancer de l’argent à son frère. Il ne l’a pas acheté, insiste l’avocat excluant ensuite l’accusé de toute implication dans les préparatifs des attentats, comme par exemple le financement des voyages de Mohammed Merah.

Le passage de la deuxième lame, assuré par Antoine Vey, n’a fait que conforter cette impression, lui qui articulera son argumentaire autour de la théorie de « la preuve du vide », usée selon lui par le ministère public: « Fautes d’éléments matériels tangibles, on a voulu ajouter des éléments périphériques. » L’associé d’Eric Dupond-Moretti, chargé de démonter la qualification d’association de malfaiteurs, s’interroge aussi sur la structure à laquelle serait lié l’accusé: « On voudrait faire d’Abdelkader Merah un allié d’Al-Qaïda. Il appartiendrait à un groupe s’en réclamant. Mais quel groupe ? Quels membres ? On a parlé des frères Clain, de Corel, d’Essid. Pourquoi ne sont-ils pas accusés ? »

« Le ministère public a ramé, ramé, ramé. »

Et il appuie un peu plus au sujet des fichiers à caractère religieux retrouvés chez A. Merah. Pour Antoine Vey, ces documents n’ont pas été communiqués à son frère: « La détention de ces documents sans transmission ne fait pas une association de malfaiteurs, car il faut être deux. » Comme Celeyron, il conclut en demandant à la Cour l’acquittement. Ils ont fait le job, se réjouit Eric Dupond-Moretti qui, à trois reprises lors de sa plaidoirie, rendra hommage à ses jeunes collègues: « Je vais gagner du temps, ils ont tellement bien travaillé. » Contrairement à l’avocate générale durant son réquisitoire, attaque EDM: « une ratatouille que l’on nous a servie hier… Le ministère public a ramé, ramé, ramé. »

Dupond-Moretti est monté d’un cran. La charge est violente contre l’accusation: « Il fallait un coupable pour gommer les manquements des enquêteurs… Il fallait qu’Abdelkader Merah soit jugé. Vous saviez qu’on l’a amené sans preuves… Si vous le condamnez, vous l’aurez jugé mais vous n’aurez pas rendu la justice. Elle sera morte, ou très gravement blessée, parce que M. le président, nous serons couchés.» Le verdict est attendu jeudi dans la journée.

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