Histoires de stades et de tribunaux

Justice

« Ce que vous appelez radical, pour moi c’est l’islam normal »

(© - Alexandre Sarkissian).

Mohamed Abrini, premier accusé du procès du 13 novembre 2015 interrogé longuement sur son rapport à la religion, n’a pas masqué ses convictions. Il a dit notamment comprendre les actions des terroristes.

Mohamed Abrini situe son entrée profonde dans la pratique religieuse après la mort de son jeune frère en Syrie, à l’été 2014. Son engagement s’est-il façonné de manière radicale ? Le président Jean-Louis Périès de la cour d’assises de Paris avait décidé de cette thématique pour les débats du 11 janvier, au 65e jour du procès des attentats du 13 novembre 2015.

« Je ne suis pas radical, pour d’autres, je le suis. Pour moi, c’est l’Islam normal…, répond aujourd’hui l’un des 14 accusés renvoyés physiquement dans ce dossier. La charia, c’est la loi divine, elle est appliquée en Arabie Saoudite et dans d’autres pays. » Une loi divine en aucun cas remise en cause par l’homme de 37 ans.

Le lendemain de sa sortie de prison, le 11 septembre 2014, il échange avec sa compagne de l’époque. Le ton se veut autoritaire. Il ne veut plus la voir sortir si elle n’es pas voilée. « Ce sont des propos de quelqu’un qui s’est repenti, qui était un ignorant, un mécréant, quelqu’un qui veut vivre pleinement sa religion », se souvient-il dans le box.

Considérant ses interlocuteurs du jour comme « les occidentaux », le natif de Belgique se considère avant tout musulman. Avec des certitudes. L’islam enseigné par le prophète ne peut pas être compatible avec la démocratie. Devant une assesseure, ls nerfs commencent à lâcher : « Vous ne connaissez rien à la religion, en fait ».

Face à Maître Maktouf, coupable selon lui d’une interview dans laquelle elle souligne le manque d’empathie des accusés envers les victimes, il se fâche vraiment : « Je ne répondrai à aucune de vos questions parce que vous me dégoûtez. » Un de ses collègues en profite. « Qu’avez-vous envie de dire aux victimes ? » Abrini est embarrassé.

« (silence)… c’est une drôle de question… est-ce que j’aurais des choses à leur dire, ce serait compliqué, je ne sais pas quoi vous répondre… C’est vraiment triste ce qui leur est arrivé. Ils sont doublement victimes, de la politique étrangère de la France, et de la politique étrangère de l’Etat islamique. »

Mohamed Abrini condamne-t-il les attentats, lance un autre avocat de parties civiles. « C’est une question BFM, ça, on ferait mieux de se demander comment faire pour que cela ne se reproduise plus, tacle l’accusé. Que je condamne ou pas, ça va changer quoi ? Vous allez mieux dormir ? Les victimes vont mieux dormir ? Ça ne changera rien que je condamne ou pas. »

Dans son testament datant du 2 février 2016, un mois et demi avant les attentats de Bruxelles, l’accusé comparait les terroristes du 13 novembre à des héros. « Ceux qui se sont fait sauter, c’était en réponse aux bombardements (de la coalition et de la France). A défaut d’avoir un soldat en face… C’est tout ce que je pense », juge-t-il devant la cour.

Les débats du jour n’ont pas pu faire dire à Mohamed Abrini quelles personnes l’avaient convaincu de basculer dans la lecture fidèle de la charia. Les frères Abdeslam ? Abdelhamid Abaaoud ?

L’hypothèse d’un endoctrinement en prison ne peut pas être naturellement écartée. « C’est un endroit propice à la méditation, c’est sûr, indique Abrini à Maître Reinhart (parties civiles). Mais je n’avais qu’un seul livre c’était le Coran. »

Pourquoi se trouvait-il le 12 novembre 2015 dans le convoi de la mort, parti de Belgique et en direction de la région parisienne ? Quelle était son implication dans le cellule terroriste ? Ce sera le programme des débats de mercredi.