Histoires de stades et de tribunaux

Justice

Procès du 13 novembre : La police belge a-t-elle failli ?

Vidéo de propagande Etat Islamique.

Vidéo de propagande de l'Etat Islamique, diffusée après les attentats du 13 novembre 2015. (capture d'écran)

La question s’est posée à l’occasion des premières auditions des enquêteurs belges devant la cour d’assises de Paris spécialement composée. Le traitement du cas de Brahim Abdeslam a laissé dans la salle d’audience un sentiment de perplexité, parfois de malaise.

97,81grammes de résine de cannabis. La fouille opérée sur Brahim Abdeslam se révèle positive. Le 16 février 2015 vers 18h30, celui qui se fera sauter au Comptoir Voltaire à Paris neuf mois plus tard, n’échappe pas à un contrôle routier à Bruxelles. Une semaine plus tôt, le 9, il avait fait l’objet d’un signalement par la police belge, soupçonné de « participation aux activités d’un groupe terroriste. » La menace est sérieuse. Son frère Salah se trouve aussi dans le viseur, potentiellement candidat à un départ pour la zone irako-syrienne.

« Menace d’attentat » est associé au nom de Brahim Abdeslam quand les policiers interrogent leurs fichiers. Le défaut de véhicule au contrôle technique ou les 100 euros retrouvés dans une poche arrière du  pantalon du terroriste passent au second rang. Brahim Abdeslam, soupçonné d’avoir rejoint la Syrie trois semaines auparavant, est entendu dans les locaux de la police de Molenbeek-St-Jean en fin de soirée du 16 février 2015.

« J’ai voyagé entre Istanbul et Bodrum, j’ai fait les magasins et les bars. C’est moins cher la bas », déclare-t-il en confirmant un séjour en Turquie entre le 27 janvier et 5 février 2015, niant tout franchissement de la frontière. Et son rapport à la religion ? Ses positionnements radicaux ? « Je n’ai plus d’idée de ce genre, d’ailleurs je fume du shit tout les jours. » Se sent-il proche de l’Etat islamique ? « Non non aucune sympathie pour ces individus, ce ne sont pas des musulmans ! », lâche-t-il à la Division de recherches 3 de la PJ belge. (DR3).

« Il s’est moqué de la police bruxelloise »

Enquêteur 440.232.779

Abdeslam pousse un peu plus le mensonge quand il doit s’expliquer sur ce papier issu de la fouille, encourageant le départ vers la Syrie même sans le feu vert parental. « C’est un document qui démontre bien que je suis contre le terrorisme et contre les jeunes qui partent en Syrie sans l’autorisation des parents », ose le Français né à Bruxelles le 30 juillet 1984.

A l’audience, le vendredi 26 novembre au 50e jour du procès des attentats du 13 novembre 2015, un des policiers belges le concède. Lors de l’interrogatoire, « il s’est moqué de la police bruxelloise. » Le téléphone de l’ainé de la fratrie Abdeslam, aux 26 délits commis entre 1999 et 2015, va peut-être dire la vérité.

Le Sony Xperia doit être soumis à une « analyse complète », demande le magistrat fédéral. Il ordonne aussi la fouille du domicile de la famille Abdeslam avec saisie des ordinateurs et tous supports numériques. L’analyse du smartphone et du compte Facebook ne va rien donner, lit-on dans le PV dressé le 13 mai 2015 par la DR3. « D’après nos vérifications, il apparait qu’aucun élément à caractère radical n’est présent sur son profil. »

Sur ce réseau, pourtant, le 1er juillet 2014, Abdelhamid Abaaoud et B. Abdeslam (deux des trois assassins des terrasses) ne laissent pas de place au doute. « … qu’Allah te guide dans la voie du jihad et t’accorde le martyr, dit Abaaoud. dechire c kuffar prend leur un max de por et vient rejoindre l’armée d’Allah. »

Par visioconférence, un des enquêteurs belges se défend devant un avocat des parties civiles. Cette discussion lui apparaît… en janvier 2017, lors d’une exploitation « complète avec les nouveaux moyens ».

Me Ronen, conseil de Salah Abdeslam, pointe une éventuelle négligence des autorités belges. L’analyse ordonnée en février 2015 a peut-être été effectuée partiellement ou incorrectement.

« Si cette conversation avait été exploitée à l’époque, la décision du magistrat aurait été vraisemblablement différente », admet là aussi le fonctionnaire belge. 11 juin 2015, le parquet avait classé sans suite le dossier. Brahim Abdeslam était resté signalé sous l’étiquette « contrôle discret ».