Histoires de stades et de tribunaux

Justice

Une maison d’enfants aux agissements pour le moins douteux

(Facebook).

Comment la justice a reconnu l’association marseillaise JB Fouque coupable d’un manque manifeste de protection envers une salariée injustement licenciée.

C’est un soulagement, mêlé à de la surprise. Laurence M. avait le ventre un peu noué avant de découvrir le verdict au sujet d’une histoire au cours de laquelle on a eu le sentiment parfois de marcher sur la tête. Lanceuse d’alerte pour des risques sérieux encourus par des enfants, cette veilleuse de nuit avait été licenciée en janvier 2019 pour faute grave.

Voilà une partie de l’affaire, relayée à l’époque, entre autres, par Mediapart et Le Ravi (1), dont le 4 juin 2021 marque probablement un tournant. L’association JB Fouque, administratrice de la maison d’enfants à caractère social (MECS) dans laquelle travaillait Laurence, a fait preuve de profonde négligence malgré les sonnettes d’alarmes tirées à plusieurs reprises.

« L’employeur a manqué à la protection qu’il devait à sa salariée, laquelle n’avait aucun moyen de savoir si les faits qu’elle-même et ses collègues redoutaient étaient avérés ou non », a expliqué début juin la Cour d’appel d’Aix en Provence (Chambre Sociale).

« Vous avez foutu la merde »

L’établissement, accueillant des enfants en difficulté et situé dans le 8e arrondissement de Marseille, aurait dû agir afin « d’accomplir la mission de protection de l’enfance que lui assigne sa tutelle publique. » Les termes du délibéré ne posent aucun doute sur la responsabilité de l’Association JB Fouque, priée à l’issue de l’arrêt de réintégrer la salariée avec paiement des arriérés.

Un sentiment heureux pour Laurence qui gardera très longtemps en mémoire sa mise en garde à vue du 12 septembre 2018 à la brigade des mineurs de la sûreté départementale de Marseille. « Vous avez foutu la merde », avait dit un policier à celle convoquée comme simple témoin !

Son tort ? De supposés propos mensongers ayant entraîné des recherches inutiles. Devant l’immobilisme de JB Fouque, Laurence avait fini par informer l’Inspection du travail au sujet de ces dysfonctionnements pouvant mettre en danger la sécurité des jeunes individus dont elle avait la charge. Elle avait témoigné aussi de conditions de travail non adaptées (1 adulte pour 17 à 20 enfants âgés de 8 à 17 ans).

Des enfants suffisamment protégés ?

Sa direction, pour motiver le licenciement début 2019, avait invoqué de la mauvaise foi en reprochant à la veilleuse de nuit d’avoir fourni à l’organisation dépendant de la DIRECCTE (2) des échanges de courriels et des documents qu’elle n’aurait pas dû utiliser. JB Fouque affirmait que l’enquête déclenchée par le Procureur de la République lui-même alerté par l’Inspection du travail (qui avait saisi le Parquet sur le fondement de l’article 40 du CPP), avait révélé des « faits erronés ».

L’association voyait en Laurence une volonté manifeste de nuire à son image. Des arguments que n’a pas suivis, au contraire, la cour d’appel du tribunal administratif d’Aix-en-Provence. On attend désormais de voir dans quelles conditions va se dérouler sa réintégration comme salariée.

On a appris par ailleurs que Laurence M. se réserve  la possibilité d’agir en justice contre son employeur des chefs, notamment, de non-assistance à personne en péril (faits commis en septembre 2018), propos mensongers et calomnieux ou encore faute inexcusable de l’employeur.

1 : « A Marseille, deux travailleurs sociaux en garde à vue après avoir alerté sur des dysfonctionnements. » Article publié le 9 décembre 2018. 

2 : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.