Histoires de stades et de tribunaux

Justice

Au procès Kriket, le détail des armes

Palais de justice de Paris, mars 2021.

Voici le live tweet de l’audience du mercredi 17 mars 2021, au 8e jour du procès, dit Réda Kriket, jugeant sept accusés soupçonnés de la préparation d’un attentat violent aux environs du printemps 2016.

Comme il en a pris l’habitude depuis le début du procès, Réda Kriket ne se lève pas à l’arrivée de la cour. Il avait dit au président mercredi dernier : « Ce n’est pas dans ma tradition ». Le président lui avait répondu : « Ce n’est pas une question de tradition mais d’éducation. »

Abderrahmane Ameuroud ne se lève pas non plus mais pour une autre raison. Il s’aide d’une béquille pour marcher, conséquence de son arrestation au cours de laquelle il avait été blessé aux jambes par arme.

Anis Bahri, le troisième co-accusé voisin de box de Kriket et Ameuroud, se lève à l’annonce de la cour. On se souvient qu’il avait refusé de venir à l’audience le premier jour avant de s’exécuter face à une injonction.

On continue les auditions des experts. S’avance une spécialiste en chimie qui a étudié le contenu des perquisitions. Sa première intervention est assez courte. Elle dit avoir listé de la nitroglycérine, de l’acide sulfurique concentrée à 95%, de l’acide nitrique à 70%, de la dynamite industrielle à usage civil et de la dynamite, produit manufacturé, à usage militaire.

Le président a tenté d’avoir des précisions, comme l’origine des dynamites, mais sans résultat. Aucune question posée par les autres parties de l’audience, le témoin rejoint rapidement sa place.

Un autre expert arrive et parle de sa mission confiée en mars 2016, comme l’analyse d’un manteau, puis de celle de produits.

Il y avait également 2 cartouches de gaz, 227g Butane, hydrocarbure inflammable, pour alimenter des réchauds à gaz et une bouteille de verre d’un litre (portant la mention de glycérol sur une étiquette déchirée): glycérine pure. Une bouteille d’eau de 500ml qui contenait 40ml de liquide. Et une autre bouteille d’hydrocarbure.

L’expert a aussi travaillé sur 4 autres scellés comprenant notamment 1 flacon de liquide incolore (20ml) avec mention en allemand indiquant 14 carats. 2 autres (mention 14 et 18 carats), liquide bleue pour l’un, rose pour l’autre, et du bicarbonate de soude.

Le président interroge le témoin sur l’explosif appelé TATP (peroxyde d’acétone). On évoque son passage de l’état liquide à l’état solide, a priori par une action de précipitation en milieu aqueux. La police avait retrouvé 105g de TATP en perquisition.

On avait trouvé à l’époque (mars 2016) des milliers de billes métalliques dans l’appartement d’Argenteuil loué par Réda Kriket. L’expert à la barre (ingénieur chimiste) dit qu’elles peuvent être associées aux charges explosives pour servir de projectiles.

Le TATP, répète le témoin, est très réactif, au choc, à la chaleur.

Le président interroge l’expert sur un téléphone portable relié à 2 fils rouges retrouvé à Argenteuil. Cela lui évoque un système de déclenchement à distance. « Quand l’appareil sonne, il génère un courant électrique pour déclencher un explosif », explique le témoin.

La manipulation, distillation, de ce matériel chimique dans l’optique de la fabrication d’explosif est-elle compliquée, demande l’avocate générale. Elle peut être accessible, répond le témoin, mais cela est surtout risqué.

Me Nogueras intervient et demande de projeter une photo de la perquisition au moment de questionner le témoin. La cour a dû mal à la trouver. L’avocat de R. Kriket n’a pas le numéro du cliché.

On en a profité pour voir à l’écran des photos d’explosifs, du téléphone reliés par les deux fils et d’une bonbonne en plastique bleue posée sur le sol de l’appartement d’Argenteuil.

Sur les photos qui défilent : un masque type soudeur, une boîte d’engrais, de la nitroglycérine, des seringues, des fils, chargeurs de téléphone, les billes métalliques, une boîte de 11 000, précise le président.

Le témoin en a terminé. Un autre prend sa place à la barre. Il prête à son tour le serment des experts et dit « Je le jure. »

Le témoin s’est occupé de l’analyse des armes retrouvées en perquisition.

Le président ordonne l’ouverture des scellés comprenant ces armes. On a vu passer tout à l’heure, avant l’audience, l’arrivée de ce qui ressemblait à des fusils d’assaut.

L’expert donne un petit cours du maniement de l’arme, gestes à l’appui. Sur le pupitre, il y a l’arme, le chargeur et les cartouches. La deuxième arme a été fabriquée en 1943 ou 1944. La fabrication réglementaire datant de 1945, précise le témoin.

L’huissier lève un nouveau scellé qu’elle montre en direction des bancs des avocats. On y sort une autre arme de poing avec un chargeur de 15 cartouches de 9mm. A priori, de marque Ruger.

Une 3e arme de poing, même semi-automatique Ruger de catégorie B, est sortie de sa boîte. Cartouches de la 2e guerre mondiale de fabrication canadienne et d’autres plus récentes (1981) fabriquées en Belgique à destination militaire.

On passe à 1 fusil d’assaut de type Kalachnikov, d’origine yougoslave, précise le témoin. Parfaitement fonctionnel même s’il n’est pas esthétiquement parfait. Fabriqué dans les années 1970.

Un des fusils, précise le témoin, présente un problème avec le chargeur, ce qui diminue de moitié l’efficacité de l’arme puisqu’il faut recharger manuellement. Un autre (AK 47) a des soucis de culasse.

Concernant les 7 armes de poing et les 6 fusils d’assaut, les recherches d’antériorité n’ont rien donné. Il n’y a pas eu de correspondances avec d’autres munitions, confirme le témoin. On n’a pas pu dater non plus les tirs précédents.

Deux armes de poing ont été déclarées volées en Belgique : une le 31 juillet 2013 et l’autre dans la nuit du 17 au 18 octobre 2014.

L’AG indique aussi que des traces ADN de A. Ameuroud et R. Kriket ont été trouvées sur des fusils d’assaut.

Des traces d’ADN ont été trouvées sur les armes, comme celles de M. Bahri, dit l’une des deux AG. L’ADN de l’accusé est ressorti à trois reprises à l’extérieur (crosse) et autant à l’intérieur (canon et culasse): ce qui signifierait un montage de l’arme, dit le témoin.

A la reprise, Me Nogueras (avec la bonne orthographe cette fois-ci) demande au témoin d’évaluer l’armement retrouvé en perquisition, par rapport à son expérience. « Ce n’est pas fréquent et ce qui est exceptionnel, c’est le nombre de munitions. »

A Argenteuil, 238 munitions correspondaient aux fusils d’assaut et 78 aux armes de poing. Au total, entre 600 et 700 minutions compatibles avec les armes, synthétise le président.

Pourquoi autant de variétés de munitions, demande le pdt. « J’ai vu la même chose dans des affaires de l’ETA. Les gens ramenaient beaucoup de cartouches et les armuriers faisaient le tri. » (témoin).

En 2019, le témoin a travaillé sur une autre saisie (chargeurs et munitions), celle effectuée à Rotterdam (Pays-Bas). Ce volet néerlandais se trouve au programme prévisionnel de l’audience de jeudi.

Selon le ministère public, 31 chargeurs (22 trouvés à Argenteuil et 9 à Rotterdam) sont compatibles avec les fusils d’assaut. L’AG indique 30 cartouches par chargeur. Ce qui est le cas pour le modèle AK-47.

Suspension de l’audience. Reprise demain à 9h30.