Le mentor religieux des frères Kouachi et autres candidats au djihad en Irak au début des années 2000 est venu témoigner samedi 3 octobre au procès des attentats de janvier 2015. Celui qui se dit aujourd’hui repenti a visiblement rendu nerveuse une partie des avocats des parties civiles.
Je ne connais pas personnellement Farid Benyettou. Et je n’ai pas eu accès à l’ensemble de ses dossiers judiciaires. Je n’ai pas de raison particulière de douter outre-mesure de sa parole quand il se dit repenti du djihadisme. Il l’a répété évidemment ce samedi lors du 24e jour du procès des attentats de janvier 2015 mais cela a laissé plus que perplexes quelques avocats de la partie civile. Axel Metzker sous-entend que l’homme de 39 ans possède peut-être une responsabilité plus grande dans les assassinats de 17 personnes entre les 7 et le 9 janvier, autre que sa « responsabilité morale » qu’il a mise en avant lors de sa déclaration spontanée à la barre.
Devant les regards interrogatifs de ses collègues de la défense, face à l’attitude de l’avocat général surpris en faisant un petit non de la tête, l’avocat cuisine l’ancien idéologue de la filière des Buttes-Chaumont sur une partie de l’interrogatoire de ce dernier, le 8 janvier 2015 vers 19 heures, quelques minutes après son arrivée dans les locaux de la DGSI à Levallois-Perret. Il était venu de de son plein gré. En évoquant « Doly », le surnom d’Amedy Coulibaly, Benyettou dit aux enquêteurs : « Cherif Kouachi l’a encore vu récemment. » « Il y a trois jours, trois semaines, trois heures ? », veut absolument savoir Me Metzker. Il ne saura rien.
Farid Benyettou ne se souvient pas vraiment avoir raconté cela aux policiers. « On ne peut pas vous croire quand vous dites être repenti », finit par lâcher l’avocat. Sa collègue Catherine Szwarc croit-elle le déstabiliser en disant « Comment reconnaît-on un faux repenti » ? Elle n’obtient pas plus de succès.
« Vous n’avez pas honte ? »
A la sortie de son audition, Farid Benyettou veut bien s’arrêter devant les journalistes. « Vous n’avez pas honte ? », nous lance un avocat. Une de ses collègues nous reproche de donner trop d’importance à l’ancien mentor de plusieurs terroristes, comme les frères Kouachi ou Peter Cherif, commanditaire présumé des attentats. « Dans la salle, vous dites Monsieur que vous ne faîtes pas la star, mais là vous la faîtes la star, ça ne se fait pas ça… et que tous les médias soient complices de votre scarification », lui dit la robe noire. Benyettou arrête de répondre aux questions.
3 octobre 2020. Palais de justice de Paris. Procès des attentats de janvier 2015. Une avocate de la PC interrompt Farid Benyettou répondant aux questions des journalistes. pic.twitter.com/Fm7nplNH8p
— Alexandre Sarkissian (@Alex_Sarkissian) October 3, 2020
Une de mes consœurs ne cache pas son désaccord profond avec l’avocate qui ose avancer : « Je ne vous empêche pas de travailler. » Il était simplement question de comprendre l’état d’esprit dans lequel Farid Benyettou était venu aujourd’hui au Palais de justice. Il a expliqué à la barre comment il a petit à petit laissé de la distance avec le salafisme djihadiste, lui qui avait été influencé au début par des membres du GIA algérien dans les années 1980, 1990.
Aux début des années 2000, il enseigne à plusieurs jeunes gens cette idéologie qui mènera plusieurs d’être eux en Irak. Benyettou sera condamné en 2008 à 6 ans de prison pour association de malfaiteur terroriste.