Histoires de stades et de tribunaux

Justice

5 ans pour le plus inquiétant

Palais de justice de Paris, le 6 février 2018. (Crédit Alexandre Sarkissian).

Les medias se sont trompés de cible. Le procureur de la République regrette la surmédiatisation de Jawad Bendaoud, précipitant au second rang le rôle de Youssef Aït-Boulahcen, le plus inquiétant pour lui dans cette affaire.

Les medias pourraient plaider coupable. Dans l’esprit de Nicolas Le Bris, la cible n’était pas la bonne. « On a parlé du procès Jawad mais pour moi, c’est le procès de Youssef Aït-Boulahcen, indique le procureur de la République en préambule de son réquisitoire. Le plus médiatisé n’est pas le plus inquiétant dans cette affaire, loin de là. ». Nicolas Le Bris vise Youssef Aït-Boulahcen à l’encontre de qui il demandera cinq ans d’emprisonnement pour non dénonciation de crimes terroristes.

Le procureur est convaincu de la radicalisation de ce dernier: « On a tous les éléments que l’on retrouve habituellement dans les dossiers de filières en Syrie. » En clair, « Il adhérait parfaitement à l’idéologie islamiste. » Nicolas Le Bris s’appuie, entre autres, sur les visuels retrouvés dans le téléphone portable du prévenu – « un personnage qui fait froid dans le dos » – un montage avec une photo de son cousin Abdelhamid Abaaoud, un poignard ensanglanté accompagné de « Qu’Allah le préserve ».

Le procureur trouve par ailleurs très légère l’explication fournie par le prévenu quand on lui a demandé pourquoi il n’avait pas signalé sa soeur Hasna aux autorités: « Cela m’a traversé l’esprit mais je pensais que ma mère allait le faire. » Youssef Aït-Boulahcen aurait dû dénoncer les comportements d’Abaaoud et Akrouh, estime de toute façon Nicolas Le Bris. Il connaissait les intentions de son cousin, l’homme le plus recherché à cette époque: « Il va commettre un attentat. Vous dites n’avoir jamais reçu ce SMS (*). Quand bien même. Ce que vous dit Hasna la veille montre que vous avez tout compris. »

« Je n’ai jamais reçu ce message », coupe Youssef Aït-Boulahcen, repris de volée par la présidente: « Non seulement vous arrivez en retard à l’audience et en plus vous interrompez le procureur. »

* Le 16 novembre 2015, Hasna Aït-Boulhcen envoie un texto à son frère: « Je l’ai vu, il veut ton portable. Il va disparaître. Il va bientôt mourir à cause de son cancer. » L’instruction a vu dans ce message codé d’Hasna, la volonté d’informer son frère que leur cousin était sur le point de commettre un nouvel attentat.

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