Histoires de stades et de tribunaux

Justice

Merah: A qui la faute ?

Maître Morice, lundi soir au TGI de Paris, après la 11e journée du procès Merah. (Crédit Alexandre Sarkissian)

La 3e semaine du procès Merah a débuté avec le témoignage du Directeur régional du renseignement intérieur. En poste à l’époque des tueries, il avait donné le nom du terroriste. On ne l’a pas écouté.

Les dysfonctionnements n’épargnent pas les enquêtes judiciaires. Celui qui a touché l’affaire de l’attentat de Marseille a engendré des conséquences dramatiques avec la mort de deux jeunes femmes. Le procès des tueries de Toulouse et Montauban a remis sous la lumière cette mauvaise habitude, au début de la troisième semaine d’audience. Interrogé durant quatre heures, Christian Balle-Andui s’est exprimé avec précision, clarté et conviction et s’est défendu la tête haute quand il a fallu répondre à Eric Dupond-Moretti, l’avocat d’Abdelkader Merah. Le récit du Directeur régional du renseignement intérieur (DRRI), en poste à Toulouse depuis 2008, laisse sans voix.

Le 14 novembre 2011, Mohammed Merah est convoqué à un entretien administratif, un débriefing préventif organisé quelques semaines après son retour du Pakistan, avec deux enquêteurs de Paris, auquel assiste un collaborateur de Christian Balle-Andui. « La réunion terminée, je demande un premier avis. On me dit que le caractère de dangerosité n’est pas évident concernant Mohammed Merah. On me précise qu’il s’est comporté naturellement, dans son attitude, dans la teneur de ses propos. » Le 21 février 2012, la note d’expertise rédigée par Paris (la DCRI) reprend les impressions du 14 novembre, relate Balle-Andui. On peut lire que l’individu « n’entretient aucun lien avec un quelconque réseau terroriste ». Ses séjours en Algérie, en Afghanistan, en Egypte ou au Pakistan ont-ils été qualifiés de touristiques ? Comment a-t-on évalué sa connexion avec la mouvance salafiste toulousaine ?

On considère en revanche que le profil de Merah – malin, observateur, aimant les voyages – serait compatible avec une infiltration. Mohammed Merah est envisagé pour devenir indicateur. La DCRI demande à sa branche toulousaine d’évaluer la fiabilité de l’individu pour cette mission. « Ma réponse est un non définitif, raconte Christian Balle-Andui. Il n’est pas dangereux pour leurs services mais pour moi il n’est pas fiable.» Après le débriefing, Merah disparaît un peu des radars policiers. Il est l’objet d’une surveillance « séquentielle » « J’ai peu de moyens techniques, regrette le DRRI. Il faut que je fasse un choix. Je mets tout sur Jean-Michel Clain (*) car toute l’info circule par cet homme. »

Mohammed Merah envisagé comme indic

Après le deuxième attentat, l’assassinat de deux militaires à Montauban et la tentative sur un troisième (Loïc Liber depuis tétraplégique) perpétré le 15 mars 2012, Christian Balle-Andui rédige deux notes dont une évoquant la piste djihadiste. « Il y avait une liste avec 12 ou 13 noms, se souvient le témoin, révélant alors une information toujours classée secret défense. Il y a celui de Mohammed Merah… La piste de l’ultra-droite reste la priorité pour Paris.» Quatre jours plus tard, quatre personnes dont trois enfants sont tuées à l’école juive…

« Si on vous avait écouté, on ne serait pas là », lance Maître Morice, de la partie civile. Lui et ses collègues dénoncent « les fautes lourdes et inadmissibles de la part de l’Etat qui connaissait le 15 mars le nom de Mohammed Merah. » Abdelkader et Mohammed Merah ont été détectés en 2006 comme proches de la mouvance salafiste toulousaine. En janvier 2011, raconte le DRRI, une enquête sur l’environnement de Mohammed Merah est ordonnée.

Le 15 juin 2011, soit neuf mois avant les attentats, Christian Balle-Andui demande un cadre judiciaire pour « taper » Merah. Il réitère son souhait le 29 juin. Il n’a jamais obtenu de réponse.

* Avec son frère Fabien et Sabri Essid, ils appartenaient aux « cadres » de la filière   Artigat, formés et endoctrinés par Olivier Corel, dit l’émir blanc.

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