Histoires de stades et de tribunaux

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Raumel, intimité brisée

6 octobre 2020, Palais de justice de Paris. Christophe Raumel fuit les caméras. ( © - Alexandre Sarkissian).

S’il voulait raser les murs, Christophe Raumel a vu ses souhaits franchement contrariés, mardi, au 26e jour du procès des attentats de janvier 2015. Son ex-compagne a profité de la salle d’audience pour régler des comptes, laissant soupçonner un caractère violent dans la personnalité de l’accusé, et une tentative de subornation de témoin.

Sac sur le visage, entouré de ses avocates, Christophe Raumel veut préserver son intimité à la sortie de l’audience du matin et devant la seule caméra l’ayant pris pour cible. Mardi, c’était à son tour d’être entendu par la cour d’assises spécialement composée. Seul des 11 accusés présents à comparaître libre, il encourt la peine la moins lourde (10 ans), le caractère terroriste n’ayant pas été retenu dans l’association de malfaiteurs.

Sa ligne de défense ? Il a donné un coup de main à des amis, comme il en avait l’habitude, sans plus. Et il était loin de savoir ce que voulait faire un Amedy Coulibaly croisé à deux reprises sans jamais lui parler. Valorisant ce statut de très faible maillon du soutien logistique apporté au terroriste, Christophe Raumel s’est présenté à la barre, au lendemain de l’audition de son ami de l’époque des faits, Willy Prevost. Les relations ont changé depuis entre les deux hommes…

Raumel apprend en garde à vue que son ex-copine, la mère de son enfant né en 2012, s’était intimement rapprochée de ce proche de Coulibaly. S’il a reconnu que cette infidélité l’avait « très énervé » sur le coup, Raumel assurait ce mardi n’éprouver aucune rancoeur à l’encontre de Willy Prevost. : « Le seul fautif c’est moi, ça m’a fait grandir, ça m’a fait mûrir. » Il a rangé tout cela derrière lui. « Vous êtes bien clément », lui glisse une avocate des parties civiles. Personne ne parviendra à lui faire dire du mal de son ancien « grand pote », comme il l’a qualifié. 

Prevost et lui étaient inséparables. « Ma vie ne ressemblait à rien. Je me levais le matin, j’appelais Willy « Tu fais quoi ? T’es où. » Et puis je le rejoignais, on fumait… puis je m’occupais de ma p’tite, je l’amenais à la crèche. », raconte Raumel quand son avocate lui demande à quoi ses journées ressemblaient dans le quartier, entre Grigny et Fleury. « Ma vie, c’était le centre commercial », concède encore Christophe Raumel. Pour casser la routine, la bande de copains fuit la cité de l’Essonne. Pas toujours pour traîner. Et revoilà notre affaire.

Le 27 décembre 2014, Raumel accompagne Prevost et deux autres personnes. Direction Montrouge pour du « shopping » dans une armurerie. A la barre, il répète et répète encore qu’il ne connaissait pas le but de ces achats un peu spéciaux : « On était là juste pour sortir du quartier, personne ne se posait de questions. » « On y va », ordonnait Prevost. les autres s’exécutaient. A la sortie du magasin, un sac rempli de gilets tactiques, taser et couteaux est placé dans le coffre de la voiture.

J’aimerais travailler, avoir un appartement, une chambre pour ma fille

Christophe Raumel

En guise de rémunération, Prevost offre à à Christophe Raumel une paire de gants et un McDo… « On avait fait de la route, on avait faim », commente le trentenaire. Le « matériel » était stocké dans son appartement. Là encore, il obtempère sans dire mots. Le sac était ensuite amené à Amedy Coulibaly. « Je m’en veux d’avoir été là pour ça, j’ai honte parce que mon nom est sorti à la télé, a dit Raumel à la barre. J’aimerais travailler, avoir un appartement, une chambre pour ma fille, une vie stable, comme tout le monde. »

Dans l’après-midi, le témoignage de son ancienne compagne est venu apporter une touche supplémentaire au portrait de Christophe Raumel. Elle le démolit. « C’est un manipulateur fini, pourri jusqu’à la moelle, a lâché la jeune femme originaire de Longjumeau. Je le connais comme ma poche, j’ai vécu suffisamment avec lui. » Le témoin assure ensuite que Raumel n’a pas pardonné à Prevost le fait qu’il ait entretenu lui aussi une relation avec elle.

Raumel serait venu la voir, dit-elle, deux jours avant le début du procès, soit le 1er septembre 2020, pour l’intimider. « Il est arrivé vers minuit et m’a dit de ne pas parler au tribunal qu’il avait été violent avec moi. J’ai l’enregistrement. » Elle a fait mention de plaintes déposées dans des gendarmeries de l’Essonne. « J’ai des témoins », assurait-elle devant la contre-attaque menée par l’une des conseils de Christophe Raumel. Cela ressemble fortement à une subornation de témoin.